La cigarette électronique ne sera pas un médicament: les gagnants et les perdants

Le débat autour du statut de l'e-cigarette

Publié le : 16 janvier 20249 mins de lecture

TABAC – C’est une victoire importante pour les vendeurs de cigarettes électroniques. Le Parlement européen a décidé de ne pas faire de  l’e-cigarette un médicament. Traduction: sa mise en vente ne sera pas exclusivement réservée aux pharmacies, restant libre. Les boutiques de « vapoteurs » vont donc pouvoir continuer à pulluler, alors qu’on les imaginait déjà partir en fumée.

En revanche, ce type de cigarettes sera en interdit de vente aux mineurs, ainsi que de publicité, mais le discussion faisait déjà consensus. Le texte doit encore être soumis aux représentants des 28 Etats membres avant d’entrer en vigueur.

Que la décision européenne soit allée dans ce sens ou dans l’autre, les nombreux acteurs constatent d’importantes conséquences immédiates. Nous vous les présentons en deux grandes parties: d’abord les grands gagnants, puis de l’autre les « perdants », ou en tout cas ceux qui auraient pu gagner plus.

Ceux qui peuvent en griller une petite pour souffler

Les fabricants et boutiques de cigarettes électroniques

Il y a en France 500 boutiques spécialisées, mais surtout « 2000 emplois et 1,5 millions de consommateurs », indique le CACE (collectif des acteurs de la cigarette électronique). La mise en vente exclusive en pharmacie aurait entraîné la fermeture de cette industrie balbutiante.

Le problème des AMM

Pour quelle raison? « On ne pourrait pas obtenir autant d’AMM, autorisations de mise sur le marché (obligatoire quand il s’agit de médicament). Car ces procédures sont coûteuses et cela entraînerait un investissement de 80 milliards », rajoute le CACE au Figaro.

Selon l’Office français de prévention du tabagisme, OFT, les boutiques du secteur enregistrent en moyenne entre 120.000 et 200.000 euros de chiffre d’affaires annuel. Au total, « un million de consommateurs dépenseront chacun en moyenne 100 euros par an dans les e-cigarettes et les e-liquides, soit 100 millions d’euros », selon l’OFT.

Les e-cigarettes : une part non négligeable du marché du tabac

Ce chiffre d’affaires de 100 millions d’euros correspond à celui du marché des médicaments d’arrêt du tabac en France. Mais il est très inférieur au marché (hors taxes) du tabac qui devrait être pour les buralistes et cigarettiers de l’ordre de 3,8 milliards. Les e-cigarettes représenteraient toutefois 3% du marché du tabac en France ″

La santé des fumeurs

Selon le pneumologue Bertrand Dautzenberg (président de l’OFT), l’innocuité de la cigarette électronique est infiniment moins nocive que le tabac. « Elle contient beaucoup moins de substances délétères: ni particules solides, ni goudron, ni autres substances cancérogènes, ni monoxyde de carbone (CO) », peut-on constater dans le rapport qu’il a remis au printemps au ministère de la Santé.

Attention, cet argument n’est valable que pour ceux qui étaient déjà considérés comme fumeurs.

Le pouvoir d’achat des consommateurs

Naturellement, si la e-cigarette était devenu un médicament, ses coûts de production auraient explosé. Le pouvoir d’achat des « e-fumeurs » peut donc se maintenir. L’OFT estime à 100 euros la dépense annuelle, soit le prix de 14,7 paquets de Marlboro, la marque la plus vendue en France.

La Sécurité sociale

L’Assurance maladie est censée accompagner dans l’arrêt du tabac. Si la cigarette électronique était devenu un médicament, elle aurait disposé du même statut que le patch ou le chewing-gum à la nicotine. Il aurait donc fallu que la Sécu mette la main à la poche: elle prend en charge, sur prescription médicale, « les traitements par substituts nicotiniques » à hauteur de 50 euros par an. Pour les femmes enceintes, ce montant est porté à 150 euros.

L’Assurance maladie supporte actuellement 12 milliards d’euros dans la lutte contre le tabagisme, sur un total de 47 milliards d’euros.

 

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Ceux qui peuvent fumer le paquet pour enrager

L’industrie traditionnelle

Les Philip Morris et Imperial Tobacco sont parmi les perdants indirects de la décision européenne. Avec la vente exclusive en pharmacie, les clients de cigarettes électroniques auraient été moins nombreux, protégeant donc la part de marché. « Les 90% d’utilisateurs qui n’ont aucun désir d’arrêter de fumer n’iront pas s’approvisionner en pharmacie et perdront de fait un bénéfice pour leur santé »,indiquait dans Le Figaro le pneumologue Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT.

L’industrie traditionnelle n’a vu arriver le business de la « e-cigarette ». Marlboro – groupe Philip Morris – vient à peine de déposer les brevets de son propre système. La réflexion n’a débuté qu’en avril dernier, avec un objectif de commercialisation « au second semestre 2013″. Il était temps, car les ventes ont fortement chuté: 5% en moins au premier trimestre, avec une baisse du chiffre d’affaires de 2,5%.

Le lobby du tabac s’est en tout cas montré très actif à Bruxelles. Selon des documents confidentiels du Parisien, Philip Morris a fiché les euro députés, notamment français, pour mieux les approcher. Chaque parlementaire était classé selon sa proximité supposée avec l’industrie cigarettière, en spécifiant le degré d’urgence de les approcher. En juin dernier, le JDD avait également révélé la tenue d’une repas à 10.000 euros organisé par British American Tobacco, en la présence d’un groupe de parlementaires français, dont Patrick Balkany (UMP), François Sauvadet (UDI), Jean-Claude Lenoir (UMP), Dominique Bussereau (UMP) ou encore la députée Odile Saugues (PS).

Les pharmaciens

Forcément, si les e-cigarettes avaient été exclusivement vendues dans les pharmacies, les pharmaciens auraient pu se frotter les mains. Sauf que certains avaient déjà pris de l’avance: selon Challenges, de nombreux pharmaciens considérant que ces produits ont un intérêt sanitaire (et financier) indéniable(s), ils les proposent dans la partie para-pharmacie de leur commerce qui elle, n’est pas tenue de respecter la liste officielle des médicaments.

Les médecins

Les médecins auraient pu recevoir une population nouvelle de patients, désireux de s’informer pour choisir leur modèle. Un peu comme lorsque l’on souhaite s’orienter vers une solution à base de patchs ou de chewing-gum à la nicotine.

Les laboratoires pharmaceutiques

Un médicament ne peut être commercialisé que s’il fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). Et qui produit les médicaments? Les laboratoires pharmaceutiques, seules structures ayant les moyens financiers pour soutenir une mise sur le marché.

L’Etat

Principal bénéficiaire du commerce de tabac en France, l’Etat peut s’inquiètent pour ses 15 milliards d’euros annuels que lui procurent les taxes, droits et licences versées par les débitants, selon les chiffres de la Cour des comptes. Le développement du marché de la e-cigarette risque de consumer celui de la cigarette classique, mais aussi son niveau de recettes. Qui plus est, chaque médicament enregistré auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) aurait fait l’objet d’une taxe.

La qualité des produits

Qu’on le veuille ou non, le statut de médicament aurait strictement encadré la composition des e-cigarettes mises en ventes. Cela aurait évité les risques, comme le pointait 60 millions de consommateurs dans son reportage en caméra cachée dans les boutiques parisiennes. En effet, certains établissements sont encore douteux.

Selon le professeur Yves Martinet, figure de la lutte contre le tabagisme, « seul le pharmacien [aurait respecté] l’interdiction de vente aux mineurs. Il [aurait informé] les utilisateurs du fait que la réduction du nombre de cigarettes fumées ne réduit pas la mortalité à long terme et ne peut être qu’une étape vers l’arrêt complet », a-t-il dit au Figaro.

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